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Archipels et calanques
2 juin 2014

Troisième embarquement à bord du Vienne.

 Embarquement sur le Vienne 1974/1975.

 L’année scolaire prend fin au mois de Mai 1974, avec les examens de sortie qui se déroulent en deux phases, une partie théorique et une partie pratique, nous devons fabriquer une pièce de chaudronnerie, dans un temps imparti, celle-ci n’est pas simple. Ce que je redoutais se confirme, je passe avec succès les épreuves théoriques, mais pour quelques points je loupe mon exercice de travaux pratique, je suis déçus mais ce n’est que moindre mal, il était nécessaire avant tout d’obtenir la partie écrite de mon examen. Tous les élèves vont se quitter et pour la grande majorité ne se reverront plus jamais. Après les examens de fin d’études je décide de ne pas repartir naviguer dans l’immédiat, je cherche du travail à Marseille dans la chaudronnerie. Je travaille dans différentes sociétés d’intérim, mais sans grand enthousiasme, le désir de partir sur les océans me tiraille à nouveau.

Ecole de la Marine Marchande 1974Le Vienne

L’année 1974 se termine, l’automne est bien avancé, je suis lassé de travailler dans l’intérim, les missions sont courtes, inintéressantes et mal payées. Je contacte la Compagnie des Messageries pour solliciter un embarquement, la réponse arrive rapidement, embarquement le 28 Novembre, Marseille à bord du ‘’ Vienne ‘’. Ce navire cargo appartient à la classe des ‘’ super V ‘’il est plus grand, doté d’un moteur plus puissant et mieux équipés que tous les autres navires sur lesquels j’ai navigué précédemment. J’embarque en qualité de nettoyeur à la machine, nous quittons Marseille pour toucher le port de gênes en Italie, c’est dans cette ville que je fête mes 20 ans le 9 Décembre 1974, j’aurais préféré les vivre en famille, mais c’est le destin. Avec quelques copains du bord nous partons, un soir, en bordée dans le vieux quartier de gênes, les vieilles ruelles de la ville sont peuplées de prostituées, de travestis mais aussi de voyous et d’arnaqueurs, sans oublier les dizaines de bars à marins ou hélas, nous ne manquons pas de faire un petit tour tomber dans le piège, et se faire plumer par toutes ces jolies entraîneuses. La tournée se termine à Barcelone. Nous entamons notre voyage qui va nous mener à Cristobal à Panama en Amérique centrale, ensuite tournée du Pacifique, Papeete à Tahiti, Nouméa en nouvelle Calédonie, et Townsville en AustralieRetour vers Papeete une nouvelle fois et direction Panama dans le port de Balboa sur le Pacifique, avant de retraverser l’Atlantique pour atteindre l’Europe. Nous quittons le continent Européen pour une traversée transatlantique d’une quinzaine de jours qui nous conduit en Amérique centrale. Nous franchirons le canal de Panama, nom de cet état indépendant au cœur des deux Amériques. La république de Panama est un petit pays à cheval sur deux Océans, l’Atlantique à l’est et le Pacifique à L’ouest. En 1881 Ferdinand de Lesseps commença la percée du canal, mais suite à une banqueroute de la compagnie de Panama, ce sont les américains qui terminèrent le travail et le canal fut opérationnel J'ai eu la chance de traverser le canal de Panama à plusieurs reprises, à l’aller nous faisons une escale de quelques heures à Cristobal, un port de passage ou les navires s’arrêtent pour mazouter avant de franchir le canal en direction du pacifique. Cette ville est un véritable coupe gorge, impossible de sortir seul, les agressions physiques sont très nombreuses et parfois extrêmement violentes. La population panaméenne est un croisement d’indiens, de noirs et d’espagnols, ils n’usurpent pas leur réputation de latinos violents et dangereux. Il est vrai que la pauvreté fait rage à cette époque, dans ce pays.. Heureusement la traversée du canal nous réserve de belles surprises, les paysages sont magnifiques, la faune et la flore sont d’une beauté éblouissante. Un vrai paradis ou il ne faut surtout pas tomber à l’eau car celle-ci est infectée de piranhas et autre crocodiles, que nous apercevons parfois sur les berges. Après le passage du canal, le navire reprend sa route dans l’Océan Pacifique et va nous mener à Papeete sur l’île de Tahiti, la traversé dure encore une semaine, peut-être plus, la mer est calme, les conditions climatiques sont excellentes. Évidemment à la machine il fait une chaleur abominable, je fais équipe avec un nettoyeur d’origine Algérienne qui habite Dunkerque, Mustapha

Hotel Tahara Papeete à Tahiti 1975Mustapha n'est pas très bavard, c’est un garçon un peu rustre, âgé d’une trentaine d’année, il est de corpulence assez forte et porte une belle et large moustache. Il est très connu à la compagnie et de nombreux marins le surnomment ’’ Mous ’’. Nous travaillons ensemble, tout se passe bien, le travail du nettoyeur est assez éprouvant et répétitif, en effet nous sommes tenue de pratiquer des interventions quotidiennes sur les auxiliaires, notamment sur les centrifugeuses qu’il faut démonter et nettoyer tous les matins. Les centrifugeuses sont des énormes toupies tenues par un bras qui tournent à grande vitesse, une pompe envoie le diesel lourd à l’intérieur, les impuretés sont propulsées sur les cotés et le carburant ressort pur et propre pour la combustion du moteur. Tout le monde connait Tahiti, cette île célèbre du Pacifique situé juste en face de Moorea. Je ne suis pas un inconditionnel de Tahiti et encore moins de Papeete sa capitale

 Cette île volcanique n’a rien d’extraordinaire, aucune plage de sable blanc, à l’inverse de ses sœurs de l’archipel qui possèdent des plages de rêves. Tahiti est une toute petite île, on peut faire le tour en moins de deux heures en voiture, le relief est très accidenté avec des collines très arborées et verdoyantes. Les Tahitiens, je suis désolé de le dire ne sont pas particulièrement sympathiques, ils ont un esprit guerrier et le coup de poing facile. Les hommes sont très portés sur la boisson et deviennent méchants et très agressifs lorsqu’ils sont imbibés d’alcool. Un après-midi nous descendons à Papeete, quelle n’est pas notre surprise de voir un bar complètement défoncé en état de ruine. Nous apprenons qu’un légionnaire s’est fait massacré par une bande de tahitiens, en représailles les militaires sont venus venger leur copain avec un bulldozer en détruisant le bar ou s’était déroulée l’agression. Un soir nous passons la soirée avec Mustapha et un novice dans un grand hôtel ‘’le Tahara hôtel ‘’un superbe établissement niché dans la falaise face à la mer, magique. Des employées de l’hôtel nous racontent que quelques jours plus tôt un couple de français habitant Papeete, qui prenait le frais sur la falaise avait été attaqué par un groupe de tahitiens, l’homme, un pilote de ligne était mort sous les coups de ses assaillants, quand à sa femme elle avait due subir les assauts sexuels de la bande qui lui avait finalement laissé la vie sauve. Sur le front de mer, dans le centre de Papeete se trouvent de nombreux bars et dancings ou les marins, les militaires et les touristes s’amusent et passent du bon temps, néanmoins les sorties de boites sont parfois problématiques, notamment avec les jeunes tahitiens qui provoquent des bagarres. De petits stands sont posés sur une place face à la mer, et propose à manger, notamment des sushis ou poisson cru mariné dans du citron, j’avoue que je ne suis pas fan, je préfère siroter le jus d’une noix de coco pour m’étancher la soif. La journée, la ville est très animée, taxis, voitures, motos, ainsi que les petits cars de transports typiquement tahitien se frayent difficilement leur chemin dans cette ville très embouteillée. La grande place du marché attire énormément de monde, celui-ci est superbe et bien achalandé en produit régionaux, poissons, fruits, viandes et légumes, pour le plus grand plaisir des habitants de l’île qui viennent s’approvisionner avant de retourner dans leur village. 

En compagnie de jeunes tahitiens devant le trou du souffleurLa gare routière toute proche est perpétuellement en effervescence avec les départs et les arrivées des bus qui sillonnent les routes de Tahiti pour transporter ses habitants. 

Je ne pouvais pas quitter cette île sans la visiter, un après-midi avec Mustapha et un novice nous louons une voiture et partons à la découverte de la perle du pacifique. Plusieurs haltes au cours de l’après-midi nous donnent l’occasion d’admirer des paysages magnifiques, notamment le trou du souffleur, une grotte où de l’eau est projetée vers l’extérieur, nous rencontrons de jeunes tahitiens bien sympathiques avec lesquels nous effectuons quelques photos. Nous cueillons des fleurs de Tiaré, la célèbre fleur blanche, emblématique de Tahiti. Celle-ci est utilisée pour la confection de parfum, crème de beauté et certainement de bien d’autres produits cosmétiques.

Nous sommes reçus dans un village typiquement tahitien, où les habitants vivent à l'interieur de huttes, dans les mêmes conditions qu'au temps de leurs ancêtres. Le tour est bouclé dans l'aprés-midi et nous rentrons à bord. Notre escale à Tahiti se termine, nous quittons cette île pour Nouméa en Nouvelle Calédonie, je n'ai aucun regret. Je suis un peu déçu de cette île, dans l'imaginaire, Tahiti représente les superbes vahinés, les sables de sable blanc, les colliers de fleurs offert par les tahitiennes et un accueil chaleureux de ses habitants.Je n'ai rien connu de tout cela, même si je ne suis resté que quelques jours, néanmoins je pense que la réputation de Tahiti est vraiment surfaite, mais le monde a bien changé depuis l'époque des révoltés du Bounty et des premiers explorateurs. 

Sous un arbre de tiaré avec mon copain Mouss à TahitiNous naviguons paisiblement en direction de Nouméa, la mer est calme, ciel bleu et soleil sont au rendez-vous pour notre plus grand plaisir. L’Océan Pacifique est une mer tranquille, je ne me souviens pas avoir vécu de moments difficiles pendant mes périodes de navigation lorsque je l’ai parcouru. La Nouvelle Calédonie est une île bien plus grande que Tahiti, mais surtout superbement belle, d’une beauté exceptionnelle. Elle possède le plus long ensemble corallien du monde d’une longueur de 1600 km pour une surface de 24000 km2, deuxième plus grande surface corallienne du monde derrière la barrière de corail australienne. Sa population est composée pour moitié d’européens, les Caldochespremiers colons installés au dix-neuvième siècle et de Français nouvellement arrivés, l’autre moitié est constitué en majorité de Mélanésiens dit ‘’ Kanaks ‘’premiers habitants de l’île, et d’une minorité d’Asiatiques, Chinois et Javanais. Surnommé par ses habitants ‘’ le Caillou ‘’ la Nouvelle Calédonie est une île très riche, grâce à l’extraction de Nickel qui en fait le deuxième producteur de ce minerai au monde. Nouméa la capitale  ressemble à une ville coloniale, mais moderne, on a vraiment l’impression que cette ville bouge, le centre avec sa célèbre place des cocotiers attire beaucoup de monde car les commerces y sont nombreux, des brasseries sont implantées avec leurs terrasses et créent une animation le long des rues qui jouxtent la place des cocotiers.

Devant le trou du souffleurA l’opposé de la ville se trouve la Baie des citrons et sa superbe plage de sable blanc, ses hôtels en front de mer ne dénaturent pas le paysage bien au contraire. Face à la baie des citrons la plage de l’Anse Vata, très exposé face à l’océan, ses plages subissent les forts remous de la mer, l’endroit est moins tranquille, plus venteux que sur la baie des citrons. Nombreux hôtels et boites de nuits sont implantés pour le plus grands plaisir des touristes Australiens et New Zélandais. Dés notre arrivée nous nous rendons à Nouméa, sur la place des cocotiers où se déroule un concert gratuit à ciel ouvert. Des familles sont venues assister au spectacle, l’ambiance est bonne enfant. Nous faisons la connaissance avec le novice de jeunes et très jolies Javanaises, à la fin du spectacle elles nous emmènent avec elles en boite de nuit. La soirée se déroule on ne peut mieux, je flirte avec une de ces jeunes filles, à la sortie de boite elle me propose de terminer la nuit chez elle, j’accepte. Elle partage un grand appartement en colocation avec quelques copines dans le centre de Nouméa, le matin je rentre à bord et lui promets de la revoir le soir. Mon travail de nettoyeur me permet de profiter de toutes mes soirées, à 16 heures je suis libre, parfois le chef mécanicien nous laisse le dimanche après-midi de repos, quand il n’y a pas de travail urgent à effectuer. Le soir avec le novice nous retrouvons nos Javanaises, elles nous emmènent dans une boite de nuit prés du port tenue par des Kanaks. L’ambiance est électrique, nous sommes mal à l’aise, seuls blancs au milieu de tous ces mélanésiens, surtout que certains ont abusés de la bibine, ils ne sont pas beaux à voir. Nous ne traînons pas, nous quittons rapidement les lieux. Finalement nous terminons la nuit dans un hôtel de la baie des citrons, face à la plage, fabuleux. Le lendemain matin, très tôt nous goûtons aux joies de la baignade dans les eaux limpides et chaudes de l’Océan Pacifique, en compagnied'australiens rencontrés  dans l'hotel.

Beau couché de soleil sur le littoral tahitienPendant mon premier séjour sur l’île je rencontre un groupe de jeunes français fraîchement installés en Nouvelle Calédonie, pour la plupart ils sont arrivés avec leurs parents, qui ont quittés la France en espérant se créer une nouvelle vie, peut-être plus heureuse sur cette île paradisiaque. Certains se sont mis à leur compte, ils effectuent des déménagements ainsi que des transports de marchandises sur l’île avec leur petite fourgonnette, pour le compte de particuliers. L’idée est bonne, ils ne se débrouillent pas trop mal d’après leurs dires. Nous sympathisons, ils me font visiter la ville, nous sortons régulièrement ensemble pendant les derniers jours de notre séjour à Nouméa. Je suis enchanté de les rencontrer, ils ont une vingtaine d’année, vivent heureux et libre et surtout ne se posent pas de questions. C’est pour moi un déchirement lorsque nous quittons Nouméa, toute la petite bande est présente sur le quai pour me faire un dernier coucou, le navire s’éloigne, je suis triste de les perdre de vue peut-être à jamais. Nous quittons la Nouvelle Calédonie et ses eaux limpides pour l’Australie notre future destination et notamment Townsville notre prochaine escale. Depuis plusieurs jours tout l’équipage s’affère pour mettre le matériel du navire en conformité, les australiens sont très tatillons sur les normes de sécurité, ils inspectent le navire dans ses moindres recoins et si celui-ci n’est pas en conformité notamment sur les normes de sécurité de leur pays, le navire n’entre pas dans le port. Finalement nous passons avec succès l’inspection et nous accostons dans ce grand port australien. Townsville est situé au Nord Est de l’Australie dans la région du Queensland face à la barrière de corail, c’est une petite ville assez traditionnelle à mon sens, on y retrouve le coté de l’ouest américain, des hommes se baladent en tenue de cow-boy avec leur chapeau vissé sur la tête, dans le centre ville, une rue est consacrée essentiellement au commerce de matériel et d’équipements pour cow-boys. On se croirait vraiment dans une bourgade du Texas ou de l'Arizona.

Pendant mes classes à Hourtain 1975D’autres artères du centre ville sont plus traditionnelles avec ses commerces et ses pubs, d’ailleurs ceux-ci n’ouvrent leur porte qu’à partir de 17 heures, avant, tout est fermé. La ville ressemble à s’y méprendre à ses consœurs américaines, les rues et les boulevards sont rectilignes et perpendiculaires, c’est carré, linéaires, banal. Townsville est construite à la limite du désert, il est interdit de quitter la ville sans en informer les autorités, trop dangereux de s’aventurer dans le désert. Dans ma cabine j’ai collé sur les murs quelques photos de Brigitte Bardot légèrement dévêtue. Lors de l’inspection de celle-ci par les douaniers australiens, ceux-ci reconnaissent notre star nationale, ils sont époustouflés par sa beauté et ne manquent pas d’éloges à son égard, il est vrai que B.B vient de fêter ses quarante ans en 1974, mais elle est toujours aussi resplendissante. Lors de ma première sortie en ville je suis accompagné d’un corse ‘’ Biancamaria ‘’, le hasard veut que nous prenions un taxi conduit par un australien d’origine italienne, nous sympathisons avec lui et il nous propose de visiter la ville. Nous sillonnons l’agglomération de nuit, la conduite en Australie se fait à gauche mais je suis surtout surpris de constater que la boite de vitesse de son véhicule est automatique, je n’avais jamais vu cela en France. Dans un premier temps il nous emmène dans une base militaire, nous entrons comme dans un moulin, aucune difficulté pour franchir la porte d’entrée, je n’en croie pas mes yeux, dans tous les pays du monde je ne pense pas que des civils étrangers seraient entré sur une base militaire aussi facilement, c’est pourtant le cas. Nous nous promenons dans la base, mais à mon âge je ne vois aucun intérêt à poursuivre trop longtemps cette visite. Nous quittons la base pour les hauteurs de la ville, nous arrivons au sommet d’une petite montagne qui surplombe la ville avec ses lumières scintillantes, on distingue le port, les phares des véhicules qui circulent dans le centre. Derrière nous, c’est le désert à perte de vue, plat, aride, inquiétant. Ce paysage est agréable à voir mais n’a rien d’extraordinaire. Nous quittons cet endroit pour revenir en ville, nous demandons au taximan de nous conduire dans une boite de nuit, c’est Samedi, cela devrait bouger. Nous sommes surpris de voir des gens de la communauté Aborigène déambuler dans les rues, le regard vide, complètement hagard, ils se comportent comme des gens ivres ou drogués. Le taxi nous dépose devant une boite de nuit ‘’ Le Mandarin ‘, nous entrons sans difficulté, l’ambiance est bonne enfant. L’intérieur ressemble à toutes les boites de nuit, une piste de danse est située au milieu de la salle, des tables basses avec des fauteuils sont disposées tout autour, rien de particulier, la décoration et les jeux de lumière sont assez basiques. En Australie il est de coutume de danser avec une cavalière, il est mal vu de danser tout seul sur la piste, j’invite donc une demoiselle, qui fait parti d’un groupe de jeunes gens déjà installé, nous dansons quelques minutes face à face, j’engage difficilement la conversation car mon anglais est très moyen, cette fille est sympathique, souriante, mais après quelques minutes en ma compagnie elle me quitte pour retrouver ses amis. Nous passons une bonne soirée, cela nous fait du bien de voir des gens, d’écouter de la musique et surtout de se dégourdir les jambes sur une piste de danse. La soirée se termine, nous rentrons à bord un peu fatigué, mais content. Le lendemain Dimanche, le chef mécanicien nous offre la journée de congé, avec quelques membres d’équipage nous partons visiter ‘’ Magnetic Island ‘’ une île touristique située au large des côtes australiennes sur la barrière de corail. Des milliers de touristes se pressent et se bousculent à bord des navettes qui effectuent le trajet entre cette île magnifique et le continent. Sur Magnetic Island rien n’est oublié pour satisfaire pleinement le touriste, superbes plages de sable blanc sécurisées par des filets anti requins, ceux-là même qui rodent dans les eaux chaudes du Pacifique. Mais aussi de nombreuses activités sont proposées à ces touristes d’un jour, parc zoologique, peuplés notamment de kangourous et de koalas, animation pour les enfants, bars, restaurants, salle de jeux, sentiers de randonnées pour se promener autour de l’île, un vrai paradis terrestre. Je ne peux oublier ce Dimanche 26 Janvier 1975, en effet les australiens célèbre l’Australia Day la fête nationale australienne, c’est l’effervescence et la joie sur toute l’île continent. C’est aussi l’été, il fait très chaud, nous nous baignons sur une plage superbe, on se croirait dans les Caraïbes, mais j’avoue que je ressens une certaine appréhension à nager dans ces eaux infectées de requins, malgré la protection des filets anti squales qui ceinturent les plages. Les filles allongées sur le sable sont très jolies, pour ne pas abîmer leurs visages fragiles, elles enduisent leur pommette, leur nez et le dessous de leurs yeux avec une pommade blanche qui, les protège du soleil ardent. La journée se termine, il est temps de retourner au débarcadère pour monter à bord de la navette qui nous ramène à Townsville, nous sommes fatigués mais nous ne manquons pas d’énergie et le retour est animé, je fais un pari avec Mous, au sujet de la partie géographique de l’Australie, l’enjeu est tout simplement un mois de salaire. Le résultat est sans appel, je fais une énorme erreur de jugement et je perds mon pari, cela me coûtera un mois de salaire…. Je suis déçu et dégoûter de cette situation dans laquelle je me suis empêtré, mon regard se perd dans le vague quand soudain j’aperçois la jeune fille que j’avais rencontrée la veille dans la boite de nuit, elle est accompagnée d’une autre fille, tout aussi jolie. J’engage dans la foulée la conversation, elle me présente sa sœur et nous continuons la conversation pendant toute la traversée, ces deux jeunes filles sont vraiment sympathiques, souriantes et pas du tout bêcheuse comme certaines filles en France. Le navire accoste enfin et nous allons nous quitter à regret, à cet instant les deux australiennes nous proposent à mes deux collègues et moi de nous inviter à célébrer la fête nationale chez elle, au domicile de leurs parents. C’est pour nous une invitation inespérée et inimaginable, que nous ne manquons pas d’accepter avec plaisir. Nous griffonnons rapidement leur adresse avant de les quitter en leur promettant de les rejoindre en début de soirée. Après une bonne douche réparatrice et sans oublier de nous habiller sur notre trente et un, nous sautons dans un taxi à l’entrée du port et direction l’adresse indiquée. En quelques minutes le trajet est effectué et nous voici arrivé dans un quartier résidentiel et sûrement tranquille, de petites maisons de plain pied sont alignées le long de rues quadrillées, un peu à l’américaine. Le taxi nous dépose enfin, les deux jeunes filles nous accueillent souriantes et décontractées à l’entrée de leur domicile, nous sommes enchantés, le novice pont, le matelot léger et moi-même. Surprise ! Les parents sont absents et ces jeunes filles disposent de la maison pour nous recevoir. Ces australiennes ont tout prévu, l’apéritif, le repas, la table est déjà dressée et nous attend. Nos deux hôtesses nous proposent de boire à la santé de nos deux pays, elles sortent du réfrigérateur trois bouteilles de mousseux aux couleurs du drapeau français, bleu, blanc et rouge, nous sommes époustouflés par cette gentille attention, nous trinquons à nos deux pays dans une ambiance sympathique et très cordiale. Le repas se déroule parfaitement bien, ma mémoire ne me permet pas de me souvenir des plats qui étaient au menu mais je sais que nous avions apprécié. Au cours de la soirée nos deux australiennes nous demandent de les excuser et elles s’éclipsent dans une autre pièce, nous attendons patiemment quelques minutes en nous demandant ce qui nous attends, finalement les deux sœurs nous rejoignent , mais qu’elle n’est pas notre surprise, nos hôtesses se sont changées et sont revenues habillées en petits rats de l’opéra, tutu, ballerine et collant blanc, elles poussent les chaises, mettent le magnétophone en marche, et sur une musique classique exécutent devant nous un ballet improvisé. C’est magique, sublime, presque irréel, comment imaginer une scène pareille, il y a tout juste une semaine personne ne connaissait le port de Townsville, aujourd’hui nous partageons le repas et l’intimité d’une famille australienne. Après le show et nos applaudissements ces demoiselles vont se changer une nouvelle fois, à leur retour elles nous proposent une toute autre musique, les chaises sont poussées une nouvelle fois et nous dansons au milieu du salon, les jerks et les slows s’enchaînent pour notre plus grand plaisir. Dehors il pleut, nous décidons de sortir dans le jardin, sous la pluie dans la chaleur de l’été, mes copains et moi-même sommes heureux de cette soirée inoubliable et pleine de charme. La soirée chez nos belles australiennes se termine, hélas, il est temps de prendre congé, avant de partir nous échangeons nos adresses et je demande à mes belles hôtesses qui sont ces jeunes gens sur les photos accrochées sur les murs, elles me répondent que ce sont leurs frères, joueurs de rugby australien, le sport national. C’est avec beaucoup de tristesse mais une collection de souvenirs plein la tête que nous quittons nos jolies hôtesses, on ne vous oubliera jamais. Pendant plusieurs jours la vie à bord est monotone, difficile de chasser de nos esprits cette belle soirée, mais la vie continue. Autre bonne nouvelle, Mous me fait grâce de ma dette envers lui, mais n'oublie pas de me sermoner, '' quand on sait pas on se tait '', j'essaierai de ne pas l'oublier.

Avec un copain à Houtain Lors de notre escale à Townsville je reçois un courrier de ma mère qui m’annonce mon ordre d’appel sous les drapeaux au sein de la marine nationale pour effectuer mon service militaire, mon incorporation est prévue en Janvier, si je ne me présente pas je serais considéré comme déserteur, ils peuvent commencer à me rechercher je suis à vingt mille kilomètres de la France et ce n’est pas demain la veille que je me présenterai à la caserne. Ma mère va devoir s’occuper des formalités pour que je ne subisse pas de sanction de la part des autorités militaires dés mon retour. Je suis certain d’effectuer mon service militaire dans la marine Royale, d’une part parce que je suis marin de commerce, d’autre part ayant participé à une préparation militaire qui m’a conduit notamment à bord de l’escorteur d’escadre ‘’ Le Guépratte ‘’, j’aurais également le choix de mon affectation. Vivre une semaine à bord d’un navire de guerre demeure pour moi une bonne expérience, néanmoins la vie sur ce genre de navire n’est pas agréable et facile. Lorsque le navire effectue des missions en mer, les membres d’équipages sont perpétuellement en service ou en exercices de combats, ce qui laisse peu de temps pour se détendre et se reposer. Au cours de cette mission d’une semaine en Méditerranée le temps est exécrable et la mer déchaînée, ce qui ne facilite pas le travail à bord. Pour le moment je suis toujours à bord du Vienne et le voyage n’est pas terminé. Après ces escales d’un autre monde notre tournée du Pacifique prend fin, le navire reprend sa route en direction de Tahiti pour une halte de quelques jours avant de repartir pour le canal de Panama et le port de Balboa. Les escales à Panama sont toujours délicates car l’insécurité et surtout la violence sont permanentes. Lors de nos sorties il arrive fréquemment que des individus tentent de nous agresser et pour cela il est hors de question de sortir seul.

 Pour la petite histoire au cours d'une escale à Panama un nettoyeur sénégalais Coulibaly CARUNGA décide de sortir en solitaire, à bord tout le monde le prévient du danger mais il n’en a cure et part tranquillement en ville. Quelques minutes plus tard il revient ensanglanté, mais apparemment il n’est pas blessé, il nous explique qu’il marchait paisiblement quand un voyou lui a sauté dessus pour l’agresser, immédiatement il a sorti son couteau et a poignardé son agresseur à la tête, le voyou blessé s’est enfui sans demander son reste. Notre sénégalais, après s’être changer, repart en ville comme si rien ne s’était passé. C’est tout le flegme des africains. Je connais bien Coulibaly, lors de mon premier voyage en 1972 à bord du Natal il me rendait visite presque tous les soirs dans ma cabine, son seul désir était d’apprendre à écrire le français. Pendant toute la durée du voyage je me suis employé tel un maitre d’école à lui apprendre l’alphabet et ses résultats étaient très satisfaisants. Lors de nos retrouvailles à bord du Vienne il n’était pas peu fier de me lire quelques lettres pour me montrer ses progrès. Le canal de Panama franchit, et toujours avec des images plein les yeux tant le panorama est magnifique, nous rentrons en Europe par la traversée de l’Atlantique avec sa mer déchainée et son mauvais temps, nous sommes fin Février début Mars la mer est démontée, c’est le début des grandes marées et les conditions de navigation sont très difficiles et fatigantes. L’équipage, dans sa majorité languit de rentrer à la maison, en ce qui me concerne ce sont mes obligations militaires qui m’attendent, j’avoue que plus nous approchons du but, plus mes inquiétudes augmentent, mais bon nous verrons bien. Je débarque enfin le 13 Mars 1975 à Dunkerque, mes parents sont venus me chercher et nous rentrons tranquillement en voiture à Marseille ou mes futures obligations m’attendent.

 

 

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